L’accord du participe passé ne s’apprend pas à l’Université !
Le débat sur l’usage de l’anglais à l’Université a secoué le microcosme parisien! La lutte entre les pragmatiques modernes et les idéalistes gardiens du temple linguistique va-t-elle relayer celle du « Mariage pour tous » ?
La langue maternelle (pardon, paternelle aussi !) est un trésor précieux, lien social bien antérieur à celui, éphémère ou présomptueux, que les partisans d’une France colorée ont voulu lui substituer. Elle s’entend avant de s’exprimer. Elle s’apprend ensuite, mais elle doit prendre le chemin de l’exigence dès le début !
À condition qu’il y ait un début !
La maitrise du français dans ses bases grammaticales et orthographiques était naguère acquise à la sortie du primaire. Le bon usage et la « culture » aidaient ensuite à la progression tout au long de l’existence…
Las, la plume sergent-major de nos heureux souvenirs , méticuleuse dans les pleins et déliés donnant de l’élégance à la calligraphie tout en laissant du temps à la réflexion grammaticale, a succombé à l’assaut du Bic tenu par des doigts juvéniles maladroits , impatients , superficiels, et maintenant des tablettes distribuées dans les lycées par des assemblées territoriales à la pointe du progrès pédagogique !
Les temps de l’instruction élémentaire ont bien changé. Mais pas seulement à cause de l’abandon de l’encre violette. Les modèles sont désormais les vedettes télévisuelles relayées par des pigistes de presse écrite pressés, sous-traitant l’orthographe à des infographistes en contrat précaire, et les rhéteurs et rapeurs prolixes et prolifiques des nouveaux faubourgs, usant d’un verlan à double étage.
« Au jour d’aujourd’hui, un millier de manifestants sont descendus sur Paris alors que la température était très froide. Donc ils se sont heurter aux escadrons de CRS qui les ont refoulé avec des fumigènes ! Voilà. »
Exemple succinct mais très usité de combinaisons orales et écrites à faire hurler un lauréat de Certificat d’Etudes Primaires des années 50…
Dans la rue, si l’on prête l’oreille, ce sont de plus en plus souvent des langages étrangers qui font le « buzz » , arabe, roumain, serbo-croate et autres incompréhensibles , hormis ceux de touristes facilement identifiables et mesurés, preuves que le français n’est plus d’un usage généralisé et aisé sur notre territoire...
Alors, l’anglais menace-t-il le français plus que ces dialectes qui envahissent sournoisement mais assurément les trottoirs?
L’anglais dont il est question et que certains redoutent comme un nouvel envahisseur n’est plus la langue de Shakespeare. C’est un outil de communication international, perverti, trituré, dévoyé, truffé de néologismes mais commode pour le « business » et le tourisme exotique. Il s’est imposé par défaut et son usage facile qui libère des contraintes académiques associées aux autres langues occidentales, en particulier la nôtre !
Il est aussi, et nous pouvons le regretter, le moyen de communication dans le monde restreint des scientifiques et chercheurs.
Son utilisation n’enlève rien aux langues coutumières, mais au contraire, éclaire leur richesse. Les pays scandinaves plus ouverts que nous ont-ils abdiqué leur idiome national ? Notre français n’en est que plus précieux, nonobstant les inclusions modernistes que le Petit Robert ne manque pas de commettre dans ses nouvelles éditions, comme pour courir derrière l’air du temps.
Ses meilleurs défenseurs sont nos cousins canadiens qui résistent aux paresses de l’adoption et inventent des québécismes nouveaux pour exprimer les modernités. En refusant d’aller faire du « shopping » dans les dictionnaires anglais, et préférant le « magasinage » en terrain séculaire, ils nous donnent une belle leçon de fidélité…
L’accord du participe passé ne s’apprend pas à l’Université. Il est trop tard !