Français qui m'avez élu, et les autres,
Je tiens tout d'abord à ne pas trop remercier, ni condamner DSK qui m'a mis dans une telle panade. Sans ses voltiges sexuelles en VO, je n'aurais jamais monté les marches cramoisies de l’Élysée. Cette confortable résidence et surtout son annexe de la Lanterne ( sourde) m'ont permis d'abriter des amours en VF et en toute intime discrétion, quand la belle distribution des issues m'a facilité des sorties plus alertes sur mon scooter préféré, pour honorer de ma présence chaleureuse une pauvre citoyenne réfugiée rue du Cirque.
Habitué aux petits bonheurs provinciaux et à la chaleur des banquets corréziens, j'ai éprouvé un peu de mal à me plier au protocole républicain et à ses pompes, contrairement à certain de mes conseillers, tel Aquilino Morelle. Cependant, j'ai trouvé dans le généreux confort du mobilier et les dédales de couloirs d'utiles moyens pour recevoir mes visiteurs préférés, particulièrement mes amis journalistes autour d'une bonne table et en même temps retenir les hordes de ministres et solliciteurs qui dérangeaient mes réflexions profondes.
Je n'avais pas imaginé que la présidence de la République était un job aussi dur. J'ai découvert la complexité des comptes de la nation que mon fidèle ami Michel Sapin s'entendait pourtant à me rendre compréhensibles et agréables. J'ai eu en revanche à affronter des ministres féminins revêches , moi qui pensait que toutes les femmes étaient dociles. L'épine verte Duflot m'est restée en travers de la gorge et à tout prendre j'ai préféré la sournoiserie d'un Cahuzac ou la désertion d'un Macron à la fourberie récente de Pinel , la copine de Baylet que j'ai fait ministre pour la remplacer et qui s'est mise en campagne sans transiter par Solférino.
Mais celle qui m'a fait le plus de mal et me contraint à un renoncement anticipé est l’effrontée Courbe-du-chômage. Je la voyais en 2012 comme une laissée pour compte de mon prédécesseur , mais l'imaginais de loin avec des courbes plus ondulantes à défaut d'être sensuelles. Hélas, j'ai découvert une morphologie ossue et saillante, en même temps qu'un caractère rétif peu malléable. Ma compagne d'un temps , la Trierweiler, m'a bien permis une certaine accoutumance à l'insubordination belliqueuse, mais l’autorité m'a fait défaut je le reconnais, pour m'en rendre maître , usant pourtant de mon habileté reconnue aux compromis savants face aux défis cornéliens du grand magistère républicain. Heureusement , et je m'en félicite chaque jour , il en est une qui me reste fidèle et à laquelle je suis très attaché , Ségolène !
Face à autant d'adversités , ma décision de ce jour est source de réconfort et engendre une étonnante sérénité. Certes ce n'est pas le nirvana car je vais encore devoir faire figure de chef durant les six mois qui me séparent de mon départ officiel. Mais ce sera avec le sourire et en toute courtoisie que je passerai le flambeau à mon successeur, lequel malgré son expérience et son analyse très anticipée de la situation , ne sait pas tout ce qui l'attend. D'ailleurs, je me demande maintenant pourquoi autant de candidats postulent pour un poste tellement ceint de pièges et embûches et au final aussi décevant ?...
En attendant cet heureux calendrier , je vais profiter des bons cotés de la charge devenue soudain plus légère. Les voyages dans des contrées exotiques avec l'avion présidentiel ( dont je remercie Sarkozy d'avoir veillé au confort), les rencontres avec des comités amicaux, les remises de décorations, les discours lors de rassemblements festifs, les comices agricoles, les banquets provinciaux et les visites à mon ami Chirac en terre corrézienne vont agrémenter mon agenda de manière plus ludique. J'espère cependant que des impromptus graves ne viendront pas contrecarrer ces petits bonheurs simples que je mérite finalement après ces quatre ans et demi de turbulences et de contrariétés. Mais je compte sur les fidèles et tenaces Cazeneuve et Le Drian pour suppléer à mon forfait en cas de nouveaux coups durs. Et aussi Manuel s'il est toujours là ?
Chers compatriotes, ne vous fiez pas à la mine déconfite que j'affiche pour faire raccord avec la solennité de mon discours et du sujet, et soyez assurés que je vous quitterai bientôt sans regret ...